Cycle Le corps en ses mouvements, résistances, dissidences et protestations Échos de l’Avril portugais - séance du 13 juin

Régis Salado (Université Paris Cité) en dialogue avec Ginette Lavigne (réalisatrice) :
La nuit du coup d’Etat (2001), film de Ginette Lavigne

Otelo Saraiva de Carvalho raconte, et rejoue, son 25 avril devant la caméra de Ginette Lavigne. Le film prend le parti de se centrer sur le côté opérationnel, quasi "technique" de la préparation du coup d'État, en s’appuyant sur la présence, l'omniprésence en l'occurrence, d'Otelo, qui en est l'acteur en plus d'un sens: acteur décisif de l'événement historique lui-même, mais aussi acteur de sa reconstitution filmique. Ici, "l'incarnation" de l'événement historique révolutionnaire que constitue le 25 avril 1974 ne se fait pas par la convocation des images collectives du peuple prenant possession des rues de Lisbonne, comme c'est souvent le cas dans les représentations de la Revolução, mais à travers la parole et le corps d'Otelo se livrant à une sorte de performance saisie dans une mise en scène à la fois minimaliste et très précise. Si cette performance confère à La Nuit du coup d’État une incontestable dimension de théâtralité, celle-ci est prise dans un double paradoxe que la cinéaste assume clairement: paradoxe d’une figuration "solitaire" de l’événement collectif, paradoxe d’une re-présentation qui intervient plus d’un quart de siècle après les faits, alors que l’Avril portugais et certaines de ses promesses semblent déjà appartenir à un passé lointain.